lundi 20 août 2012

Quel jour qu'on est déjà ?

Réveil bruyant ce matin... 05h30, l'heure de prendre mon quart. Et de m'apercevoir, après un nouvel empannage et quelques réglages infructueux, que le moteur, dont nous avions réussi à nous passer jusqu'à présent, devient incontournable. Les glang glang de la bôme et le lent roulis auront raison de ma patience. 
Enième jour de mer, donc. A ne plus savoir quel jour on est, quelle heure il peut bien être.. Manger moins le quart ? Dormir moins dix ? Nos activités intenses, on peut l'imaginer, s'organisent autour de l'essentiel. Réveil avec le soleil pour ceux qui n'étaient pas de quart à une heure trop avancée de la nuit, petite douche, voire rapide lessive lorsque l'odeur des vêtements commencent à devenir insupportable, puis vient le petit déjeuner/déjeuner, qui ont tendance à se confondre. Des œufs, des chocapic, du fromage, et du jambon, histoire de tenir jusqu'au diner, qui est LE repas de la journée. Celui qu'on prend tous ensemble d'abord, celui également où l'on se fait plaisir. La viande fraîche étant devenue denrée rare sur notre barque, c'est notre péchou (Le couz donc) qui a pris le relais et nous a sorti de l'eau deux jolies bestioles. Parfait pour Bosco BenJ qui peut donc nous mijoter une recette improvisée. Entre ces événements quasi incontournables, détente, lecture, musique, petits jeux entre amis, et bien sûr réglage permanent du bateau, sa trajectoire, ses voiles, son cap (le temps d'écrire ce billet, nous avons d'ailleurs coupé le moteur, et envoyé la coccinelle rouge et blanche, telle qu'elle a été renommée aux Açores, tangonnée pour mieux descendre le vent)... Et parfois, des moments rares, qui justifient à eux seuls de passer quelques jours sur une traversée qui peut paraître de loin contraignante, fatigante, galère, voire inutile ? 
Car il faut bien l'avouer, des moments où l'on s'emmerde, des moments où l'on se dit que l'on serait mieux assis sur son canapé à regarder une connerie à la télé, il y en a. Mais ce sont ces moments, rares, peut être, qui nous rappellent combien être sur l'eau est un pur bonheur. 
Imaginez un peu : un vent parfait, nous permettant de faire route directe, une houle longue déroulant à une vitesse identique à celle du bateau nous permettant de surfer pendant de longues secondes, tout en douceur, le bateau calé à 15 degré de gîte, et qui ne bouge absolument pas, malgré la mer. Un ciel magnifiquement étoilé, et le plancton qui luit sur notre passage, laissant derrière nous un faisceau vert d'une dizaine de mètres.
Puis les dauphins qui se mêlent à la partie, visibles par la traînée fluorescente qu'ils laissent derrière eux, à quelques mètres de nous à peine, curieux de voir notre hydrogénérateur tourner dans notre sillage. Puis vient le moment de dormir, et de laisser son quart. On s'installe alors pour quelques heures dans la couchette de navigation, coincé entre la structure du bateau et la toile anti roulis. Bon à se laisser bercer par les légers mouvements de la coque, sans qu'aucun bruit ne vienne perturber ce pur moment de glisse. Tout juste une petite embardée de temps pour nous rappeler que nous sommes en pleine mer, au milieu de l'océan, et que le bateau est puissamment toilé. 
C'est pour ces moments que l'on aime être là où l'on se trouve et que l'on ne souhaiterait pour rien au monde se trouver en un autre lieu. D'ailleurs, comment pourrait-on vouloir être ailleurs ?
Notre monde s'est progressivement rétréci pour ne se limiter qu'à une parcelle en bois de 10,50 mètres de long par 4 de large, au milieu de rien, sur laquelle nous mangeons, buvons, dormons. L'espace, le temps, tout se confond, et l'on a alors, plus que jamais, le sentiment de vivre le moment présent.
Patrick, Skipper temporaire du bateau à bulles, en plein délire dans l'Atlantique. 
  • Notre position à 12h00 heure UTC : 45°33.3000' N 14°46.7300' W 
  • Distance totale parcourue : 714 NM 
  • Distance restante : 473 NM 
  • Distance parcourue / Vitesse moyenne : sur les dernières 24 heures : 129 NM / 5,4 nœuds 
  • Vitesse instantanée : 6,2 nœuds
  •  Cap : 71°

7 commentaires:

  1. disons pour rester modeste : 10,47 de bois et d'un peu d'époxy...

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  2. Salut le second équipage ... et les Parents ...
    Quel poète ce skipper temporaire tout de même ...
    Déjà la moitié faite ... BRAVO ... Vous vous rapprochez de la fin de ce voyage.
    Profitez du calme, du vent, de l'air de la mer ...
    Ici, le temps est étouffant ... nous avons des températures bien au delà de 30 °C et pas un brin de vent. La pluie, tant attendue (je reste égoïste), n'arrive pas en région parisienne ...
    Heu ..... A quand une petite photo ???
    Bonne continuation,
    MPS

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  3. Délire, vous avez dit délire?
    Bien sûr que non! c'est du vrai, du vécu livré "cash" avec une certaine adresse.
    On s'y croit, en tout cas, je m'y crois et vous remercie de nous inviter à bord de votre prose!

    Blue Velvet

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  4. J'adore ces petit billets du jour ! un peu de mal à suivre le fil du poète dans le dernier (moteur ou pas moteur ? y'a du vent ou pas ? bière ou pas bière ?) ni dans les autres quand ça parle trop technique, mais quel bol d'air pour la parisienne en plein emménagement que je suis ! Si je pouvais m'heliporter pour une nuit calme, sous les etoiles, une petite bière (ou une bouteille de vin tiens !), un steak de thon peche fraichement, les dauphins et vous, ça me plairait bien ! Allez bon vent et continuez à nous ravir !
    Bises

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  5. Cherchons l'erreur et reprenons pour Marie Pierre qui parle de "déjà la moitié faite..."
    Distance parcourue : 714 nm
    Distance restante : 473 nm
    Nous découvrons que 714=473 en physique. En effet, si on dit que la distance restante est de l'ordre de 700 km, on peut dire que 714 n'est pas très différent de 700 et que donc ils sont au milieu de 1400 ?????????????

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  6. bonjour Daniel.
    Si on mesure la distance parcourue en nm et celle qui reste en km, ils seront bientôt à la moitié....hihi!
    Michel

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